Francis sowa, Coordonnateur national du groupe de coordination pour la réforme des médias (MRCG en anglais) en Sierra Leone
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«20 ans après la guerre, la conclusion est que la paix est le but ultime»
Par le quotidien
Journaliste, Francis Sowa insiste sur la nécessité de parler des évènements qui se sont produits en Sierra Leone. Une façon de préserver la paix dans la société. En quoi est-il important de partager l’expérience de la Sierra Leone concernant la guerre civile (Ndlr : La guerre civile sierra-léonaise se déroula du 23 mars 1991 au 18 janvier 2002 en Sierra Leone) ?
Premièrement, pour permettre aux gens de savoir ce qui s’est passé dans le pays, et plus encore, d’apprendre de ces tristes évènements, qui ont vu des maisons brûlées, des gens tués, d’autres amputés de bras ou des jambes, toutes ces choses horribles qui se sont passées. Quand nous nous rappelons ces choses, cela nous permet de comprendre que la guerre et les conflits ne sont jamais des solutions aux problèmes. Que quand nous avons des problèmes, nous devons nous asseoir et dialoguer, parler et trouver une solution. Car la guerre et les conflits ne crée que des problèmes, et ne sont dans l’intérêt de personne dans un pays.
Les médias sierra-léonais parlent-ils de ces histoires ?
Oui. Ils en parlent, mais cela s’est principalement passé après la guerre. Toutefois, il se trouve que nous avons des jeunes gens qui sont devenus des journalistes, mais qui n’ont pas vécu et n’ont pas été témoins de cette guerre. Les anciens journalistes, pour la plupart, sont soit décédés, soit ont cessé d’exercer, ou ont trouvé d’autres emplois. Ce qui fait que, pour la plupart des journalistes actuels, ils ne font que rapporter des évènements présents. Ils ne parlent pas des choses portant sur les conflits, la réconciliation, la réparation… Pour moi, c’est un problème très sérieux. On ne devrait pas cesser de parler de la guerre parce que celle-ci a pris fin il y a une vingtaine d’années. Nous avons toujours besoin de nous intéresser à ce qui s’est passé, et en tirer des leçons qui pourraient aider à maintenir la paix et la sécurité dans le pays.
Les différentes parties qui s’étaient affrontées, vivent-elles et cohabitent-elles aujourd’hui ?
Oui, et nous rendons grâce à Dieu pour cela. C’est l’une des beautés de la Sierra Leone. Tous ceux qui avaient pris part à la guerre, les rebelles, les Forces civiles de défense, communément appelées Kamajors, les Ruf (Ndlr : en anglais Revolutionary United Front), les militaires, même ceux qui ont amputé les gens, tout ce monde, après la guerre, après la mise en place de la Commission pour la vérité et la réconciliation (Truth and Reconciliation Commission – Trc en anglais qui a mis fin à la guerre civile de 11 ans en Sierra Leone en juillet 1991) qui a entendu les gens et produit un rapport, on a demandé aux différentes personnes de pardonner à ceux qui leur avaient fait du mal. La majorité des gens ont accepté de pardonner, et ils ont continué de vivre ensemble. Ce qui fait qu’aujourd’hui, il est difficile de savoir qui a tué ou amputé, car tous vivent ensemble et dans la même communauté.
20 ans après la guerre, comment se porte la Sierra Leone sur le plan économique et social ?
De manière générale, nous continuons de vivre en tant que Nation. Mais nous faisons aussi face à de très grands défis. Nous avons réussi dans certains domaines, comme par exemple les infrastructures routières qui sont construites ou ont été réhabilitées. Le gouvernement met un peu d’argent dans l’éducation. Mais la situation économique du pays de manière générale est toujours difficile. Nous avons encore des problèmes d’accès à l’énergie électrique. Même le secteur éducatif n’a pas les ressources dont il a besoin. Beaucoup de gens vivent encore en-dessous du seuil de pauvreté. Le salaire minimum n’est pas suffisant pour entretenir une personne et sa famille. Le seul point positif que je peux voir, c’est que 20 ans après la guerre, nous en sommes venus à la conclusion que la paix est le but ultime. C’est à dire qu’avec tous les problèmes que nous connaissons actuellement, il est mieux pour nous d’être en paix que de connaître la guerre, la guerre et les conflits ne sont pas une solution. On nous a décrits comme une nation résiliente, un peuple résilient. Malgré tous ces problèmes, nous essayons toujours d’aller de l’avant, et c’est une bonne chose. C’est ce qui fait que comme nous sommes à l’approche des élections, les gens pensent et espèrent que ceux qui seront élus, auront à cœur les intérêts du pays.
L’exploitation du diamant a-t-elle un impact sur l’économie ?
En fait, les diamants ont été l’une des causes de la guerre civile. Vous avez certainement entendu parler des «diamants de sang». C’est dire que les diamants ne nous ont pas vraiment profité en tant que pays. Nous n’en n’avons pas tiré tout le profit que l’on pouvait espérer. Mais, nous espérons qu’avec le temps, cela viendra.
Avez-vous un message à lancer pour la paix ?
Nous continuons d’en appeler à tous les Sierra-Léonais pour qu’ils préservent la paix et la sécurité dans le pays. Nous ne pouvons progresser en tant que pays qu’en ayant la paix. La guerre, les conflits et la violence ne nous mèneront nulle part. Nous n’avons besoin que de la paix pour développer le pays.
Mame Woury THIOUB