ENGAGER LES MEDIA ET LES MINORITÉS À AGIR POUR LA CONSTRUCTION DE LA PAIX – VISITE DE TERRAIN DANS LA REGION DE ZIGUINCHOR

[Reportage] Ghana : Voyage au coeur des sombres secrets du camp des sorcières de Gambaga

La quarantaine de journalistes et activistes réunis par Minority Rights Group pour la réunion d’échanges.

Entre le roi et ses sujets déplacés, meurtris par la stigmatisation ou perdus dans l’émigration irrégulière

Fahamu-Réseau pour la justice sociale a organisé, du 20 au 23 septembre, dans le cadre du programme «Engager les média et les minorités pour une culture de la paix» (EMMAP), une visite de terrain dans la région de Ziguinchor. L’activité, soutenue par Minority Rights Group, avait regroupé une douzaine de journalistes en provenance des trois pays couverts par le programme EMMAP. A savoir le Ghana, le Sénégal et la Sierra Leone. Ce programme, soutenu par l’Union européenne, vise à sortir des marges les groupes minoritaires, les faire accéder à la parole et les faire contribuer à la réflexion pour la construction d’une société diversifiée mais unie. Que ces groupes soient ethniques, linguistique ou religieux. Qu’ils soient constitués de personnes atteintes de handicap ou qu’ils appartiennent à des groupes auxquels les media n’accordent pas de l’importance malgré leur poids social (les femmes, les jeunes), etc.  La mise à l’écart dont souffrent ces groupes est la source de tous les antagonismes qui secouent la société et souvent génère les conflits. C’est pour se rapprocher de ces groupes, prendre connaissance de leurs frustrations que ce voyage a été organisé dans la région limitrophe de Ziguinchor où vivent la plupart des ethnies et membres de religions minoritaires, ainsi que des personnes déplacées au Sénégal (1).

Cette visite met un terme à un périple qui a mené les journalistes, dans le cadre de EMMAP, au Ghana (avril 2003) où le groupe a visité des populations enfermées dans un ghetto social pour accusations de sorcellerie. (https://fahamuafrica.org/daboya-et-disah-enterrent-la-hache-de-guerre-2/)

Ensuite, d’autres journalistes se sont rendus en Sierra Leone en juillet 2003 où les horreurs de la guerre des années 1990-2000 leur est montée à la gorge en visitant les populations amputées qui vivotent avec leurs malheurs à l’écart de la société sierra léonaise. «Ce que nous avons vu ici, c’est le pire que nous pouvons craindre chez nous avec les conflits politiques qui se maturent chez nous», soufflaient les journalistes sénégalais. (https://fahamuafrica.org/20-ans-apres-la-guerre-civile-la-sierra-leone-se-reconstruit-dans-la-douleur/). 

Ils n’ont pas encore vécu pire, mais des conflits et des drames il n’en manque pas au Sénégal. Et c’est pour voir une illustration de ces drames que les visites de terrain de EMMAP se sont terminées par ce périple dans la région de Ziguinchor, où des communautés vivent ces drames en silence, loin de l’écho qu’aurait pu leur fournir une couverture médiatique professionnelle, loin des biais, des a priori, de la stigmatisation, etc. Une couverturee simplement nourrie d’empathie.

OUSSOUYE
Le «man» nous ouvre sa cour

Le périple à Ziguinchor commence le 20 septembre 2023, avec une visite au Roi et à la Reine d’Oussouye. Une rencontre qui a permis de s’entretenir avec Sibiloumbaye Diédhiou (appelé «man» par ses sujets). De discuter avec lui de son rôle spirituel et temporel, mais surtout de ses implications dans la résolution du conflit entre l’armée et les irrédentistes du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc). Sans entrer dans les détails, le «man» explique que ses intermédiations sont nombreuses et sont sans limite au niveau social au sein de sa communauté. Chef coutumier des animistes, il symbolise l’unité et la cohésion sociale, veille au respect des traditions et règle les conflits dans la commune. Dans son quotidien, il veille à ce que les gens aient à manger et dispose à cet effet de rizières, cultivées par les villageois des alentours, dont les récoltes servent à aider les indigents, sans distinction d’ethnie, de race ou de religion. 

Les visites de ses sujets se sont multipliées le temps où, sous la cour ombragée, il reçut les journalistes. Environ une heure trente de discussion entrecoupée par une pluie intense dont on profite pour traverser la route et rendre visite aux femmes du Roi dont l’une seule était dans la vaste maison, entourée de femmes s’affairant autour des fourneaux pour le repas. Entourée des journalistes, elle parle de son rôle de pacificateur, des solutions qu’elle tente d’apporter à propos des problèmes pour lesquels le dernier mot appartient au Roi. (https://www.seneweb.com/news/Societe/oussouye-dans-l-rsquo-antichambre-d-rsqu_n_421215.html)

KOURAM
Embourbés dans la forêt, en pleine nuit Le «man» nous ouvre sa cour

21 septembre, cap sur le camp de Kouram, en République de Gambie. Franchir la frontière est un calvaire. Après avoir parcouru 70 km de route depuis Ziguinchor, la barrière de Selety refuse de s’ouvrir côté gambien. Trois heures de discussions et on se rend compte que les permissions introduites auprès de du gouverneur de West Coast Region et des structures chargées des réfugiés Casamançais en Gambie ne font pas l’effet souhaité. Les forces de sécurité n’ont pas levé les barrières. C’est au moment où le découragement s’installe après trois heures d’attente qu’apparait Lamine Colley, chef du village de Kouram, une des deux localités (avec Boulock) dont la visite est au programme. «On vous attend au village. Le déjeuner est même préparé. Si les Gambiens ne veulent pas vous laisser passer, on va y aller par une autre voie à l’intérieur de la Casamance. Vous cherchiez à faire court, mais on peut y arriver en passant par des voies détournées». Mais le détour sera plus long que les 40 km annoncés par le guide, à travers des chemins chaotiques. On passera ainsi par Djibidione dans la «zone rouge» d’où l’armée pilonné à volonté les éléments du Mfdc, poussant les populations à l’exode.

Une causette avec les éléments du cantonnement militaire et on nous ouvre la voix. Les lettre d’introduction envoyées ont fait effet. Notamment surtout, l’influence d’Ibrahima Gassama, un journaliste bien connu à Ziguinchor, qui a préparé le périple et servi à ouvrir les portes. Mais il se fait tard. On se dit que l’étape de Bulok devrait être supprimée. Et c’est alors que la nuit tombe qu’une pluie diluvienne obscurcit davantage la nuit qui tombe. Le chemin devient un véritable traquenard. On échappe à l’embourbement à plusieurs occasions. Mais aux alentours de 19 heures, en pleine brousse, la voiture patine et cale. On est pris dans les eaux. A 5 km de Kouram, c’est l’ambulance du village qui est appelée au secours pour convoyer la délégation jusqu’au village, c’est elle qui sert aussi de voiture de treuillage pour sortir le bus des eaux.

Quand finalement on tombe sur Kouram, la nuit est installée. Les populations servent à la volée le déjeuner. C’est dans le noir qu’on rompt une longue journée de jeune et qu’on se lance dans la discussion (https://www.seneweb.com/news/Societe/courame-au-c-oelig-ur- d-un-village-qui-s_n_422480.html) et retour sur Ziguinchor. La nuit sera longue. C’est autour de minuit qu’on remet les pieds à l’hôtel. Ibrahima Gassama nous révèle alors : «On a couru un gros risque. La zone est sécurisée par l’armée, mais tout pouvait nous arriver…» Mais c’est du passé. On rêve plutôt du lit.

Les visites de ses sujets se sont multipliées le temps où, sous la cour ombragée, il reçut les journalistes. Environ une heure trente de discussion entrecoupée par une pluie intense dont on profite pour traverser la route et rendre visite aux femmes du Roi dont l’une seule était dans la vaste maison, entourée de femmes s’affairant autour des fourneaux pour le repas. Entourée des journalistes, elle parle de son rôle de pacificateur, des solutions qu’elle tente d’apporter à propos des problèmes pour lesquels le dernier mot appartient au Roi.

KOURAM
Embourbés dans la forêt, en pleine nuit Le «man» nous ouvre sa cour

21 septembre, cap sur le camp de Kouram, en République de Gambie. Franchir la frontière est un calvaire. Après avoir parcouru 70 km de route depuis Ziguinchor, la barrière de Selety refuse de s’ouvrir côté gambien. Trois heures de discussions et on se rend compte que les permissions introduites auprès de du gouverneur de West Coast Region et des structures chargées des réfugiés Casamançais en Gambie ne font pas l’effet souhaité. Les forces de sécurité n’ont pas levé les barrières. C’est au moment où le découragement s’installe après trois heures d’attente qu’apparait Lamine Colley, chef du village de Kouram, une des deux localités (avec Boulock) dont la visite est au programme. «On vous attend au village. Le déjeuner est même préparé. Si les Gambiens ne veulent pas vous laisser passer, on va y aller par une autre voie à l’intérieur de la Casamance. Vous cherchiez à faire court, mais on peut y arriver en passant par des voies détournées». Mais le détour sera plus long que les 40 km annoncés par le guide, à travers des chemins chaotiques. On passera ainsi par Djibidione dans la «zone rouge» d’où l’armée pilonné à volonté les éléments du Mfdc, poussant les populations à l’exode.

Une causette avec les éléments du cantonnement militaire et on nous ouvre la voix. Les lettre d’introduction envoyées ont fait effet. Notamment surtout, l’influence d’Ibrahima Gassama, un journaliste bien connu à Ziguinchor, qui a préparé le périple et servi à ouvrir les portes. Mais il se fait tard. On se dit que l’étape de Bulok devrait être supprimée. Et c’est alors que la nuit tombe qu’une pluie diluvienne obscurcit davantage la nuit qui tombe. Le chemin devient un véritable traquenard. On échappe à l’embourbement à plusieurs occasions. Mais aux alentours de 19 heures, en pleine brousse, la voiture patine et cale. On est pris dans les eaux. A 5 km de Kouram, c’est l’ambulance du village qui est appelée au secours pour convoyer la délégation jusqu’au village, c’est elle qui sert aussi de voiture de treuillage pour sortir le bus des eaux.

Quand finalement on tombe sur Kouram, la nuit est installée. Les populations servent à la volée le déjeuner. C’est dans le noir qu’on rompt une longue journée de jeune et qu’on se lance dans la discussion et retour sur Ziguinchor. La nuit sera longue. C’est autour de minuit qu’on remet les pieds à l’hôtel. Ibrahima Gassama nous révèle alors : «On a couru un gros risque. La zone est sécurisée par l’armée, mais tout pouvait nous arriver…» Mais c’est du passé. On rêve plutôt du lit.

KAFOUNTINE
Le cimetière des illusions perdues

Le cimetière des illusions perdues La dernière journée du périple, le 22 septembre, réserve une belle surprise à Kafountine. Celle de découvrir des immigrés ghanéens implantés dans la zone et qui ont transformé leur immigration en vécu de paix et d’immersion parfaite dans la communauté sénégalaise. Des Ghanéens qui sont sur place depuis des années et qui s’activent dans la transformation du poisson. Une cohabitation avec les Sénégalais et avec d’autres communautés issues de la sous-région, qu’ils font vivre avec leur apport culturel, leur art culinaire et leur sens du partage. Pour le maire de Kafountine Victor Diatta qui accueille la délégation dans l’hôtel de ville, il s’agit d’une cohabitation souple, sans heurts. La visite faite sur le marché à la plage nous plonge dans un «Ghana land» en miniature. Une question ne manque pas : combien y a-t-il de Ghanéens à Kafountine ? La question semble prendre M. Diatta par surprise. La réponse se perd dans un déluge de d’anecdotes et de rires. De la part des immigrés ghanéens aussi, emportés avec leurs compatriotes journalistes dans de chaleureuses effusions. «Le plus important pour nous, c’est qu’ils ne vivent pas des difficultés», confie le chef de la communauté.courame : au cœur d’un village qui se remet encore du conflit casamançais

Kafountine vit la quiétude, mais n’oublie pas les chocs difficiles qui l’ont marquée. En particulier tous ces jeunes qui ont pris la mer et perdu leurs illusions dans le ventre de l’océan. Combien sont partis ? Là, les statistiques deviennent plus nébuleuses. Pour partager une image parlante, M. Diatta tient tout de même à faire visiter un cimetière où sont enterrés quinze jeunes candidats à l’émigration, mais dont l’embarcation, chargée de les amasser dans les bolongs avant de les convoyer vers le navire préposé à la traversée vers la destination rêvée, avait pris feu et explosé. Comme pour marquer un mémorial de l’odyssée mortel, le maire avait décidé de les enterrer à proximité de la plage. Là où leurs corps avaient été ramenés à terre.

BOFFA BAYOTTE

Boffa Boyotte, le 23 décembre au soir. Le périple devait commencer là, avant d’aller chez le roi d’Oussouye. Mais ce jour du 20 septembre, un événement malheureux vide le village. Les habitants se sont rendus à une cérémonie de deuil derrière la frontière, en Guinée-Bissau. On a quelques explications sur l’incident de Boffa et sur la mort des 18 personnes entrées dans la forêt pour aller chercher du bois mort. Des femmes qui assurent l’accueil commencent les explications mais ne veulent pas aller plus loin en l’absence des hommes, notamment du chef de village. C’est la nuit du 22 septembre qu’on rencontre un Edouard Da Sylva amère de la manière dont les media ont parlé de cette affaire. «C’est un incident qui n’a impliqué en rien notre village, mais l’information qui a circulé fait que tout le monde que la tuerie de Boffa Bayotte nous incombe. Quand on parle de Boffa, c’est toujours en mal». Boffa est un village essentiellement habité de Mandjak, une communauté qui souffre de son isolement et de la marque indélébile que lui ont laissé les media. «Les journalistes n’ont pas cherché à comprendre cette histoire. Prenant comme prétexte le conflit casamançais, personne ne s’est approché de nous pour avoir les véritables explications sur ce qui s’était passé. Il nous reste une stigmatisation et une désinformation qui laisse notre village comme marqué à jamais», confie un Monsieur Da Sylva amer. Mais derrière les propos du chef de village se dressent des populations résilientes qui pensent à l’électrification de leur village, à l’adduction à l’eau potable, à tout ce qui favorise le développement. Mais d’abord, il faut vaincre l’anathème qui fait de Boffa un village maudit, plus de 5 ans après la tuerie : à boffa bayotte, la bataille contre la stigmatisation

Geoffroy Sabaiti à gauche, Anna Aboth (tee-shirt vert) et Tidaine Kassé en visite au siége de l'Union européenne à Dakar

Tidiane Kassé

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